•          Après une introduction au concept de bonne gouvernance, il sera procédé, dans le cadre de cette première partie, à la présentation de ses deux premiers piliers.


             Ces deux premiers piliers de la Bonne Gouvernance consistent en l'instauration d'un Etat plus proche des citoyens (la décentralisation et la déconcentration) et en la réforme de la fonction publique.


             Dans une seconde partie (prochainement), il sera présenté les deux autres piliers de cette Bonne Gouvernance qui sont la lutte implacable contre la corruption et l'instauration d'un véritable Etat de droit et démocratique.


    A/ Introduction au concept de Bonne Gouvernance


             La notion de "Gouvernance" émerge au début des années 1990 où des livres émanant du monde anglo-américain installèrent, dans le champ des débats intellectuels et universitaires, l'idée de "Gouvernance moderne" ou de "Gouvernance démocratique". Elle va s'inscrire dans la quête permanente d'un meilleur système de gestion des hommes et des ressources.


             Pour la Gouvernance, la décision, au lieu d'être la propriété et le pouvoir de quelqu'un (individu ou groupe), doit plutôt résulter d'une négociation permanente entre les acteurs sociaux constitués en partenaires d'un vaste jeu, le terrain de jeu pouvant être une entreprise, un Etat, une organisation, un problème à résoudre. C'est un processus d'organisation et d'administration des sociétés humaines dans le respect et l'épanouissement des diversités.


             Selon la Banque Mondiale, « la Gouvernance est la façon dont le pouvoir est exercé lors de la gestion pour le développement des ressources économiques et sociales ».


             Cette Gouvernance va avoir deux dimensions distinctes mais étroitement liées : l'une est politique et a trait à l'engagement dans la Bonne Gouvernance et l'autre est technique et a trait aux problèmes d'efficience et de management public. Elle est donc bonne lorsqu'elle va allier les principes de la gouvernance démocratique avec ceux de bonne gestion technocratique des ressources économiques, financières et naturelles.


             Cette "Bonne Gouvernance", nouvelle pierre angulaire de l'universalisation de l'esprit démocratique et de l'amélioration de l'efficacité de production et de gestion va se définir comme l'exercice de l'autorité politique, économique et administrative pour une gestion efficace à tous les niveaux des affaires du pays.


             Elle va recouvrir les mécanismes, les processus et institutions au travers desquels les individus et les groupes vont articuler leurs intérêts, médiatiser leurs différences et exercer leurs droits et obligations légales.


             Ses points d'entrée consistent en la réforme de l'Etat (déconcentration et décentralisation), la lutte implacable contre la corruption, l'émergence d'une démocratie libérale, participative et multipartite, le renforcement de l'Etat de droit (respect des droits de l'homme, indépendance de la justice, liberté d'expression...).


             Dès lors, seul dans ce contexte, ce "Bon Gouvernement" est en mesure d'instaurer un Etat idéal, catalyseur des transformations du secteur privé et de la société civile, promoteur de la création des richesses et défenseur de la justice sociale et de l'intérêt général.


             Seul dans ce cadre, en insistant sur la nécessité de libéraliser la vie politique et économique, il va soutenir le développement (il est fondamentalement un puissant stimulus du développement au sens où il va fournir un cadre favorable à la croissance économique d'une nation).


             Seul dans ce contexte, ce "Bon Gouvernement", efficace, non autocratique ni corrompu ou kleptocrate serait capable d'offrir des services de qualité, de gérer les problèmes vrais de la nation (emploi, bien-être, Etat de droit, démocratie libérale et participative, justice sociale, partage des pouvoirs, harmonie sociale entre les différentes ethnies, intégration du pays à l'économie régionale ou mondiale...).


             Seul dans ce cadre, la logique de rente et de l'Etat patrimonial qui conduit à l'enrichissement illicite des "Big men et women" et aux détournements des deniers de l'Etat, serait progressivement annihilée.


             De même, les crises d'identité, de légitimité, de pénétration, de participation, de distribution et les conflits ethniques latents seraient progressivement éliminés. 


             Somme toute, la hiérarchisation des réformes (démocratie libérale, participative et multipartite, émergence d'une véritable société civile, renforcement de l'Etat de droit, lutte contre la corruption, décentralisation et déconcentration...) à entreprendre repose sur l'idée que seul un gouvernement ayant ces caractéristiques est en mesure de diriger le Gabon suivant une vision consensuelle. 


    B/ L'instauration d'un Etat plus proche des citoyens : la décentralisation et la déconcentration


             Pour être plus proche des citoyens, une réforme de l'Etat conduisant à une plus grande décentralisation et déconcentration de ce dernier s'impose au Gabon. L'adoption d'une loi sur la décentralisation va consister à transférer des pouvoirs préalablement définis par le législateur aux collectivités locales en vertu du principe de libre administration.


             De cette décentralisation de l'Etat, les ambitions poursuivies sont la promotion de l'efficacité, de la responsabilité, de l'autonomie de gestion et le développement harmonieux des collectivités locales. Par ces aspects positifs, elle va insuffler au Gabon une démocratie dynamique et participative.


             L'adoption d'une loi sur la déconcentration va, elle, consister à transférer l'exercice du pouvoir des autorités centrales de l'Etat vers d'autres autorités centrales qui demeurent, hiérarchiquement, à des échelons inférieurs (redistribution des pouvoirs au sein de l'Etat).


             Elle va permettre un transfert des attributions au profit des services territoriaux (extérieurs) de l'administration de l'Etat. Elle va permettre à l'Etat de conserver, par le biais du pouvoir hiérarchique, ses compétences tout en évitant un engorgement des instances centrales de décision.


             Les principales autorités territoriales bénéficiaires de ce transfert de pouvoir devront être le préfet et les services déconcentrés (extérieurs) avec soumission de ces derniers au représentant local de l'Etat (préfet).


             La déconcentration de l'Etat à mettre en œuvre au Gabon devrait consister en un transfert des pouvoirs des administrations centrales vers les services extérieurs mais, ces derniers ainsi que les mairies seraient contraints de rendre compte de leurs actes au préfet de région (département) et lui seraient subordonnés.


             Elle devra essentiellement viser deux objectifs à savoir d'une part, une plus grande compétence et modernisation des services publics déconcentrés et de l'autre, le renforcement du pouvoir du préfet.


             Dans le cadre du premier objectif, les grands axes seront de développer les responsabilités des services publics déconcentrés, d'introduire les procédures d'évaluation des politiques publiques et d'améliorer l'accueil et le service vis-à-vis des usagers.


             Cette politique va permettre aux unités administratives (services déconcentrés, directions extérieures, préfectures...) de se fixer des objectifs propres et de planifier le déroulement de l'opération y compris sur le plan financier.


             Ainsi, érigées en véritables centres de responsabilité, à l'instar des cercles de qualité dans les entreprises privées, ces unités administratives extérieures vont jouir d'une certaine autonomie de gestion et établir leur propre budget.


             Leurs règles de fonctionnement seraient déterminées par voie de convention entre le ministère de rattachement (tutelle), le ministère de la fonction publique et celui de l'économie et des finances.


             Dans le cadre du second objectif, le préfet de région (département) devra désormais être chargé de mettre en œuvre les politiques nationales concernant le développement économique et social et l'aménagement du territoire.


             Il aura, dans ces domaines, un pouvoir de direction sur les maires et les chefs des services déconcentrés (ces derniers prendront des décisions conformes à ses orientations et lui en rendre compte).


             En cas, par exemple, de conflit de compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales dans un même échelon géographique, il sera l'élément unificateur permettant de mieux coordonner (articuler) l'administration de l'Etat et des exécutifs locaux dans un objectif de cohérence de l'action publique.


             Ce sera désormais à lui (le préfet) qu'il reviendra de fédérer les multiples services déconcentrés et en cela, cette déconcentration renforcera son pouvoir selon une logique plus fonctionnelle qu'hiérarchique. Pour reprendre O. Barrot, avec cette déconcentration de l'Etat, ce sera toujours le même marteau qui frappera, seul le manche aura été raccourci.


             Toutefois, pour réussir, cette déconcentration de l'Etat doit s'accompagner d'une déconcentration financière et de celle de gestion des ressources humaines.


             La déconcentration financière va consister en la répartition, par chaque ministère, des lignes budgétaires d'investissements et de fonctionnement entre leurs différents services extérieurs. Ces derniers devront recevoir, chacun, de leur ministère de tutelle et à chaque nouvel exercice budgétaire, une enveloppe globale qui prendra en compte leurs besoins de fonctionnement et d'investissements.


             La déconcentration de la gestion des ressources humaines doit obéir à une logique, celle de permettre aux responsables locaux de gérer directement l'ensemble du déroulement de la carrière de leur personnel. Ainsi, ces derniers auraient désormais le pouvoir de décider et d'organiser, au niveau local, la politique de recrutement, de gestion et de formation des ressources humaines.


    C/ La réforme de la fonction publique


             Les changements techniques à y mettre en œuvre doivent conduire à la création d'une fonction publique dont la taille, les qualifications, les motivations, le comportement et le sens de responsabilité lui permettront de fournir un service public de qualité et de remplir, de manière optimale, les fonctions de l'Etat.


             Pour parvenir à une telle fonction publique responsable, transparente, honnête, efficace et légaliste, ces réformes doivent porter sur une meilleure gestion des profils de carrière des agents de l'Etat, la formation continue des fonctionnaires, l'instauration d'une politique de développement des responsabilités et d'évaluation des politiques publiques, la mise en place d'une nouvelle politique (grille) salariale et la lutte contre la corruption.


              Dans le cadre de la nouvelle politique salariale, une nouvelle grille salariale, qui serait fonction du capital humain, de la productivité et de l'expérience de chacun, devra être concrétisée dans le cadre des conventions collectives.


              Seule l'application d'une telle grille salariale devrait redonner une importance et reconnaissance à l'éducation (formation) ou aux qualifications et permettre à l'Etat de faire des économies substantielles de masse salariale par la réduction drastique des salaires et autres traitements faramineux observés çà et là sans réelle contrepartie productive.


               Jacques Janvier Rop's Okoué Edou


         Docteur en Economie et Finance Internationales



     


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