• votre commentaire
  •                Dans une première partie, il est procédé à la présentation des fondamentaux à l'origine de la dévaluation du franc CFA. Dans une seconde partie, il est fait état des incidences réelles de l'ajustement cambiaire du franc CFA au Gabon (bilan de la dévaluation). 

    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>        A/ Les fondamentaux à l'origine de la dévaluation du franc CFA


              D'une superficie de 266.667 km2, le Gabon, l'un des pays les plus riches de l'Afrique subsaharienne, à très faible population et à revenu per capita très élevé, a toujours connu, depuis son accession à la “souveraineté internationale”, une croissance économique régulière (20,7% en moyenne annuelle), une inflation modérée (10,2% en moyenne annuelle), enfin, par rapport aux autres pays africains noirs voisins hors zone franc, des positions viables de la balance globale des paiements (BGP) et du budget, une promotion constante du bien-être de sa population... . Cette expansion économique rapide, qui a été le fait de quatre produits (pétrole, bois, manganèse et uranium), a poussé les différents et successifs gouvernements de ce pays à s'engager dans un vaste programme de dépenses publiques stimulé par l'euphorie de la hausse des cours des matières premières des années 1970.



                 Toutefois, à partir de 1985, cette ancienne colonie de l'Afrique équatoriale française (AEF) a commencé à être secouée par une crise économique, sociale et financière. Cette crise économique, sociale et financière s'est caractérisée, entre autres, par la contraction du produit intérieur brut, l'endettement massif intérieur et extérieur, l'explosion du chômage, de la pauvreté et de l'exclusion sociale, les revendications sociales et autres violents mouvements de rues.



                 Les causes de cette crise multiforme sont endogènes et exogènes. Les causes endogènes sont relatives au cadre sociopolitique créé par O. Bongo (clientélisme politique, administratif et intellectuel, tribalisation de la société, détournement bestial des deniers publics, évasion sauvage des capitaux...), aux distorsions structurelles de l'économie gabonaise (faible démographie, faible diversification et compétitivité de l'économie, forte dépendance vis-à-vis de l'extérieur, médiocre capital humain, dualisme de l'économie...) et au mécanisme monétaire de la zone franc. Les causes exogènes tiennent, quant à elles, essentiellement à la détérioration des termes de l'échange (TDE) des produits d'exports gabonais et à la surévaluation du franc CFA.



                 Face à cette situation de crise de l'économie et surtout, du fait de la carence de ressources financières propres pour y faire face, le Gabon s'est donc trouvé, à l'instar des autres pays africains de la zone franc (PAZF), devant la nécessité d'aller négocier, auprès du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM), de la mise sur pied de mesures de stabilisation financière et d'ajustements structurels. Ces différentes mesures dites « réelles », fondées sur une stratégie de désinflation compétitive, visaient globalement comme objectif, l'amélioration de la compétitivité de l'économie nationale par la baisse des coûts des facteurs de production. Toutefois, malgré leur succès en matière de maîtrise de l'inflation, ces différentes mesures, très coûteuses socialement, furent partiellement appliquées voire, abandonnées à l'instar du 3è plan de stabilisation financière signé en 1991 mais, non conduit à son terme. 

                Pour les experts des institutions de Bretton Woods, le retard pris par le gouvernement gabonais dans l'application des différentes réformes a suscité de tels profonds déséquilibres de la balance globale des paiements et des finances publiques qu'il était difficile de les résorber sans importants coûts économiques et sociaux. Dès lors, du fait de l'échec global de ces mesures dites « réelles » et surtout, devant la situation d'aggravation de la crise économique, sociale et financière, le FMI et la Banque Mondiale, en accusant le Gabon et les autres PAZF de défendre des parités surévaluées, firent de la dévaluation du franc CFA, la condition préalable à la négociation et à la signature de nouveaux programmes d'ajustements structurels. 

                La France avait longtemps refusé de voir dans cette mesure, un remède aux problèmes conjoncturels et structurels des économies de la zone franc CFA et avait, de ce fait, durablement préconisé la stratégie de recherche de la compétitivité de ces dernières par la baisse des coûts des facteurs de production et l'amélioration de la productivité. Il a souvent été soutenu et admis l'idée selon laquelle le principal facteur motivant les interventions politiques françaises dans le fonctionnement de la zone franc était l'intérêt personnel qu'avait un groupe de responsables politiques et de fonctionnaires français à assurer la stabilité politique de court terme pour les gouvernements africains inféodés à Paris. Aussi, il fallait continuer à procéder au financement de ces régimes autocratiques pour permettre le report d'une stabilisation macroéconomique. Certains de ces individus et leurs alliés politiques ont des intérêts économiques en Afrique francophone qui dépendent du maintien des relations amicales avec les chefs d'Etats des pays de la zone franc. Il y'a également des intérêts bureaucratiques en jeu (de nombreux postes au sein de l'administration française dépendent directement ou uniquement de la coopération avec les PAZF). L'attitude de ce groupe de responsables et de fonctionnaires sur l'ajustement monétaire a toujours été influencée par le fait que leurs intérêts dans les pays de la zone franc dépendent plus immédiatement du maintien des relations privilégiées avec les dictateurs africains que de l'adoption des politiques économique, monétaire et de change rationnelles et optimales pour l'Afrique francophone. Dès lors, lorsque la nécessité de l'ajustement monétaire s'est présentée, mais avec un risque de faire tomber certains gouvernements, voire de bousculer les relations franco-africaines, ces derniers ont préféré un financement continu pour assurer la stabilité politique à court-moyen terme.

               Toutefois, devant la situation d'insoutenabilité de la dette, d'ébranlement de la confiance des investisseurs étrangers, de fuite continue des capitaux, de récession économique et de paupérisation croissante... et surtout, face aux pressions du FMI et de la Banque Mondiale, la France finit par faire savoir qu'elle n'allait désormais accorder son aide qu'aux pays de la zone franc qui avaient décidé de négocier avec les institutions de Bretton Woods. Dès lors, la cause de la dévaluation du franc CFA était entendue.



                Il convient tout de même de souligner que ce sont les transformations à l'intérieur du gouvernement français qui avaient entraîné ce revirement important de la politique française envers les PAZF. Pour la première fois, de hauts responsables politiques français avaient signalé en privé et en public leur ferme intention de ne consentir à l'aide budgétaire additionnelle que si elle était accompagnée de véritables conditionnalités. Le 23 septembre 1993, à l'issue de la réunion des ministres de l'économie et des finances des Etats de la zone franc, E. Balladur, chef du gouvernement français, avait prévenu que, désormais, les aides financières seraient conditionnées à la signature d'accords avec les institutions internationales. Autrement dit, la France refusait de continuer à combler les déficits des PAZF.



                Ce changement peut être attribué à plusieurs facteurs. Primo, il y'a eu un changement de génération des dirigeants français. Les anciens, symbolisant une position française de plus en plus dénigrée et accusée d'affairisme et de clientélisme et ayant des expériences professionnelles et universitaires communes avec certains dirigeants africains, avaient commencé à se retirer de la scène politique. Secundo, la normalisation des institutions de la diplomatie franco-africaine, suite au remplacement des officiels dont l'expérience professionnelle était concentrée exclusivement sur l'Afrique par des officiels disposant d'une expérience professionnelle plus diversifiée géographiquement. Tercio, la composition du gouvernement E. Balladur qui avait moins de liens personnels avec les dirigeants de la zone franc que ceux précédents. 



               En conséquence de tout ceci, le Gabon, en étroite concertation avec ses partenaires de la zone, accepta d'inclure dans sa stratégie de redressement de l'économie, l'ajustement monétaire du franc CFA. Toutefois, le consensus des chefs d'Etats africains sur le changement de parité de la monnaie francophone africaine ne fut obtenu que grâce à des mesures de compensations financières (troc financement contre réforme) de la part des institutions de Bretton Woods et de l'éternelle puissance colonisatrice, la France. En effet, si la dévaluation du franc CFA était devenue la condition sine qua non de reprise des déboursements de la part des institutions de Bretton Woods et d'autres bailleurs de fonds, le Gabon et les autres PAZF, asphyxiés financièrement, s'y sont soumis avec pour objectif de maximiser le montant des aides accordées dans le cadre des mesures d'accompagnements (ils les considéraient comme la juste compensation des sacrifices consentis). 



                La décision de l'ajustement monétaire de la monnaie francophone africaine, de 50%, fut prise le 12 Janvier 1994, à l'occasion d'un sommet des chefs d'Etats et de gouvernements de la zone franc à Dakar. Ainsi, de 1 FRF = 50 francs CFA de depuis 1939, le nouveau cours de change entre le franc français et le franc CFA fut désormais de 1 FRF = 100 francs CFA. Cet ajustement monétaire, qui n'avait jusque là concerné que les autres pays africains hors zone franc (Nigeria, Ghana, Kenya...), a été remarquable de par son ampleur (50%) et son caractère uniforme pour l'ensemble des treize pays de la zone franc CFA. Selon J.A.P. Clément « l'ampleur de la nouvelle parité a été décidée en fonction des différents indicateurs qui ont servi à estimer la surévaluation du franc CFA à savoir, l'évolution du taux de change effectif réel (TCER), la détérioration des termes de l'échange (TDE) et le changement de parité exigé pour rétablir l'équilibre intérieur et extérieur à moyen terme ». Clairement, la nouvelle parité franc CFA/franc français a été affirmée comme durable et non prémices de dévaluations en chaîne « l'objectif a été de corriger en une seule fois les problèmes conjoncturels et structurels des pays africains de la zone franc CFA par l'adoption d'une parité susceptible de rester inchangée pour longtemps », écrit-il.



                Le taux de 50% visait donc à produire un impact psychologique éliminant toute anticipation de réalignement ultérieur. C'est un ajustement monétaire du franc CFA qui a entériné l'échec de l'ajustement déflationniste durablement prôné par la France et censé permettre le redressement économique des pays africains francophones. Cet échec a ainsi été révélateur de l'incapacité de la France à assumer seule la charge financière induite par son pré carré au niveau du compte commun d'opérations domicilié au Trésor public français.



                Cette dévaluation du franc CFA avait un double intérêt, théorique et pratique.  Son intérêt théorique tient au fait de la vive controverse, entre pro-dévaluationnistes et anti-dévaluationnistes, que cet ajustement monétaire n'a pas manqué d'alimenter quant à sa justification et ses effets attendus. 



                Relativement à sa justification, les pro-dévaluationnistes ont soutenu que c'est fondamentalement même la situation désastreuse des finances publiques, la perte durable de compétitivité, le déficit structurel des comptes extérieurs, la surévaluation du franc CFA, la détérioration des termes de l'échange... qui ont rendu cette dévaluation inévitable. Selon ces derniers, seul l'ajustement monétaire du franc CFA allait permettre au Gabon (et aux autres PAZF) de connaître, à nouveau, une amélioration de leur compétitivité-prix, un rééquilibrage de leurs comptes intérieur et extérieur, un développement du tissu industriel local, une relance diversifiée de l'offre interne et de l'emploi, une dynamisation de l'intégration africaine... . 



                A contrario, les anti-dévaluationnistes ont soutenu que le franc CFA n'était pas surévalué et que s'il l'était, ce n'était pas fortement. Selon ces derniers, la dévaluation du franc CFA, qui n'était pas opportune eu égard à la structure médiocre des économies africaines, allait conduire à une spirale inflationniste, à l'amplification des déséquilibres intérieur et extérieur, à la diminution du pouvoir d'achat, aux émeutes sociopolitiques, à la fuite des investisseurs étrangers ou des capitaux. Dès lors, il allait s'en suivre un déclenchement de dévaluations en cascade et un éclatement de l'intégration régionale.



                Relativement aux effets attendus, le débat a principalement porté sur la mise en doute des effets positifs attendus sur les économies africaines compte tenu de leur faible compétitivité et diversification. 



                Son intérêt pratique tient, d'une part, au fait qu'en acceptant in fine le principe de la dévaluation, la France a néanmoins montré sa volonté de bousculer les pratiques prévalant jusqu'alors dans les PAZF. Pour B. Conte, « la modification de la parité du franc CFA a remis en cause un symbole, un type de relations privilégiées en même temps qu'un mode de fonctionnement sociétal fondé sur le prélèvement et l'utilisation de la rente ».  Dans cette optique, la dévaluation se présentait comme une tentative de casser les mécanismes d'économie de rente qu'alimentait l'aide extérieure (souvent accaparée par les régimes corrompus africains au pouvoir) pour rétribuer leurs réseaux de clientèle et gonfler des comptes privés à l'étranger au grand dam de leurs populations. D'autre part, elle marquait une redéfinition des relations diplomatiques et financières entre les PAZF et les bailleurs de fonds internationaux et entérinait, de ce fait, le partage de la tutelle de la zone franc CFA par la France et les institutions de Bretton Woods.



               Au-delà de son double intérêt théorique et pratique, elle présente par ailleurs un intérêt d'actualité au sens où le mécanisme monétaire de la zone franc, qui a été pour la première fois mis à l'épreuve avec la dévaluation du franc CFA, n'a pas véritablement empêché les déséquilibres macroéconomiques du Gabon (et des autres PAZF) de se poursuivre. La continuité des déséquilibres macroéconomiques de ce pays (et de certains autres de la zone) montre que la suppression de ce mécanisme de la zone franc est nécessaire (il est intenable). Elle est indispensable en ce sens que si ce dernier permet la maîtrise de l'inflation au travers d'une politique monétaire restrictive, il conduit, à contrario via le financement des déficits du budget et de balance des paiements par l'endettement intérieur et extérieur, à des déséquilibres macroéconomiques difficiles à corriger sans importants coûts sociaux.



               Globalement, la dévaluation du franc CFA avait (8) huit objectifs à savoir, la relance de la compétitivité des PAZF, la restauration de l'équilibre de leurs balances budgétaires et globales des paiements, le retour à la viabilité financière des PAZF, la relance et la diversification de leurs offres internes, la restauration de la rentabilité des entreprises, la résorption du chômage et l'amélioration du bien-être des populations locales et enfin, le renforcement de l'intégration africaine au sens du développement du commerce intra-africain. Toutefois, pour les atteindre, elle devait, selon les experts du FMI, s'inscrire dans une série de mesures d'accompagnements reposant sur des politiques macroéconomiques orthodoxes et des réformes structurelles ou sectorielles sans lesquelles, elle était vouée à l'échec. 



                En effet, en contrepartie de l'aide financière massive accordée aux PAZF, le FMI et la Banque Mondiale avaient mis au point, pour ces derniers, des mesures bien détaillées et assorties de calendriers très précis quant aux résultats économiques à atteindre. Ces mesures d'accompagnements ont ainsi fourni l'occasion de renforcer les conditions posées pour le déblocage échelonné des tranches de crédits (prêts) d'ajustements.  Ainsi, E. Alphandery, ministre français de l'économie avait, lors de la réunion des ministres de l'économie et des finances de la zone franc le 14 avril 1994, affirmé que « si le changement de parité est un élément clé [du redressement], la mise en œuvre effective des mesures d'ajustements qui doivent l'accompagner est une nécessité absolue pour réussir. Le respect de chacun des engagements souscrits à l'égard du FMI constitue un impératif ». 

    <o:p> </o:p><o:p>            </o:p>B/ La dévaluation du franc CFA à l'épreuve des faits au Gabon

                A la question de savoir si l'ajustement monétaire du franc CFA avait atteint les objectifs escomptés dans le cadre restreint du Gabon, il ressort un bilan globalement négatif de ce dernier.  

                 En effet, en matière de relance de la compétitivité, la forte poussée des prix à la consommation (IPC) au lendemain de la dévaluation du franc CFA (36,1% en 1994 contre 0,6% en 1993) et les dérapages inflationnistes des années 1998 (+2,3%) et 2001 (+2,5%) ont, au cours de la période 1994-2001, conduit à une détérioration du gain de compétitivité-prix conférée à l'économie gabonaise. Ainsi, de 100% d'avant la dévaluation, l'indicateur d'effectivité de la dévaluation (IED) était descendu à 44,8% en 2001 soit, une perte globale de compétitivité de 55,2 points.


                En matière de rétablissement de l'équilibre du compte extérieur, le déficit de la balance globale des paiements (BGP) a plutôt continué sous l'effet notamment d'une fuite bestiale des capitaux. En effet, malgré la bonne tenue de la balance commerciale (419,3 milliards francs CFA en 1993, 870,8 milliards francs CFA en 1995, 1.224,1 milliards francs CFA en 1997, 1.018,7 milliards francs CFA en 1999, 1.181,9 milliards francs CFA en 2001), les déficits structurels des balances des services (-380,7 milliards francs CFA en 1993, -694,2 milliards francs CFA en 1995, -1.002,2 milliards francs CFA en 1997, - 1.157,9 milliards francs CFA en 1999, -1.215,9 milliards francs CFA en 2001) et des transferts unilatéraux (-55,2 milliards francs CFA en 1993, -98,3 milliards francs CFA en 1995, -135,3 milliards francs CFA en 1997, -111,8 milliards francs CFA en 1999, -33,6 milliards francs CFA en 2001) ont conduit à un maintien global du déficit de la balance courante. Le solde de ce compte a été respectivement de -16,4 milliards francs CFA en 1993, +78,3 milliards francs CFA en 1995, +86,6 milliards francs CFA en 1997, -495,0 milliards francs CFA en 1998, -251,1 milliards francs CFA en 1999, +115,9 milliards francs CFA en 2000 et de -67,6 milliards francs CFA en 2001. De l'autre côté, les sorties massives et sauvages des capitaux ont dû conduire la balance des capitaux à un déficit quasi-structurel (-125,0 milliards francs CFA en 1993, -293,3 milliards francs CFA en 1995, -206,7 milliards francs CFA en 1997, +102,1 milliards francs CFA en 1998, -0,3 milliard francs CFA en 1999, -241,2 milliards francs CFA en 2001). Dans ce contexte, le déficit de la balance globale des paiements a donc dû se poursuivre (-141,4 milliards francs CFA en 1993, -215,0 milliards francs CFA en 1995, -120,0 milliards francs CFA en 1997, -251,4 milliards francs CFA en 1999, -308,8 milliards francs CFA en 2001). Le financement, tous azimuts, de ce dernier a conduit à un épuisement continu des réserves officielles de change du Gabon (215,0 milliards francs CFA en 1995, 120,0 milliards francs CFA en 1997, 251,4 milliards francs CFA en 1999, 308,8 milliards francs CFA en 2001), faisant ainsi planer de nouvelles menaces sur la parité du franc CFA.



                En matière de rétablissement de l'équilibre du compte budgétaire global (base caisse), il se dégage que le déficit de ce dernier à dû également continuer. En effet, les recettes fiscales et parafiscales ont connu une certaine expansion (350,9 milliards francs en 1993, 730,6 milliards francs CFA en 1995, 1.029,8 milliards francs CFA en 1997, 813,6 milliards francs CFA en 1999, 1.173,6 milliards francs CFA en 2001). Toutefois, cette bonne tenue globale des recettes budgétaires s'est accompagnée d'une explosion des dépenses budgétaires (438,2 milliards francs CFA en 1993, 660,9 milliards francs CFA en 1995, 980,2 milliards francs CFA en 1997, 779,5 milliards francs CFA en 1999, 1.024,0 milliards francs CFA en 2001). Dans ce cadre, malgré la bonne tenue du solde budgétaire primaire (+280,6 milliards francs CFA en 1995, +241,6 milliards francs CFA en 1997, +230,0 milliards francs CFA en 1999, +453,3 milliards francs CFA en 2001), le déficit de la balance globale (base caisse) a dû continuer (-408,1 milliards francs CFA en 1994, -35,9 milliards francs CFA en 1996, -288,5 milliards francs CFA en 1998, -134,5 milliards francs CFA en 2000...) dans un contexte d'explosion des intérêts et d'arriérés de dette. Le financement de ce dernier a, au travers de nouveaux et massifs emprunts, donné lieu à une explosion de la dette publique qui est ainsi passée de 1.130 milliards francs CFA en 1993 à 2.766 milliards francs CFA en 2000 (1.130 milliards francs CFA en 1993, 2.782,4 milliards francs CFA en 1995, 2.685,0 milliards francs CFA en 1997, 2.839,6 milliards francs CFA en 1999, 2.766 milliards francs CFA en 2000). Cette dette publique a ainsi représenté des proportions quasi-explosives du PIB gabonais (73,8% en 1993, 88,6% en 1996, 109,3% en 1998, 77,3% en 2000).



               En matière de restauration de la viabilité financière, cette dernière s'est toujours faite véritablement attendre. Le poste "investissements directs et de portefeuille", malgré quelques excédents, est redevenu déficitaire en 2001 (-32,2 milliards francs CFA en 1993, -55,3 milliards francs CFA en 1994, -9,7 milliards francs CFA en 1995, -37,4 milliards francs CFA en 1996, +93,8 milliards francs CFA en 1998, +100,1 milliards francs CFA en 1999, +137,5 milliards francs CFA en 2000, - 17,4 milliards francs CFA en 2001). Les sorties nettes de capitaux, pour motifs de rapatriement des profits de la part d'entreprises pétrolières et d'évasion monétaire barbare (de la part des élites politiques, administratives et intellectuelles hyper corrompues gabonaises) liée au risque sociopolitique, sont restées quasi-structurelles (-136,3 milliards francs CFA en 1994, -281,8 milliards francs CFA en 1996, +143,1 milliards francs CFA en 1998, -152,9 milliards francs CFA en 2000). Les réserves internationales de change de l'Etat au compte commun d'opérations, malgré quelques reconstitutions, se sont littéralement effondrées (33,1 millions de DTS en 2001 contre 118,8 millions de DTS en 1994) faisant ainsi planer de nouvelles menaces sur la parité euro/franc CFA actuelle. De même, comme le dit l'adage (à beau chasser le naturel, il revient au grand galop), la balance épargne nationale-investissement national, malgré son excédent de la période 1994-97, est redevenu déficitaire (-1% du PIB en 1993, +8% du PIB en 1994, +3,2% du PIB en 1995, +10,6% du PIB en 1996, +2,8% du PIB en 1997, -18,7% du PIB en 1998, -8,8% du PIB en 1999, -1,9% du PIB en 2001).



                Dans ce contexte, le Gabon, pays pourtant béni du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, a continué, comme avant la dévaluation du franc CFA, à être un mendiant international avec comme principal émissaire, son président. Ce dernier, malgré ses multiples comptes bancaires (Leontine, Davenport, Os, Lille, Christophe...) régulièrement alimentés par des deniers publics pillés à l'Etat gabonais depuis des décennies, sillonnait les capitales occidentales pour quémander çà et là de l'argent. Il a même cherché ignominieusement à faire figurer le Gabon (pays aux ressources naturelles et financières immenses sur lequel feu F.H. Boigny avait déclaré pouvoir gérer les yeux fermés) dans la catégorie des pays les moins avancés (PMA).



                En matière de relance et de diversification de l'offre interne, après une croissance économique sur la période 1994-98 (1.531,7 milliards francs CFA en 1993, 2.326,8 milliards francs CFA en 1994, 2.912,8 milliards francs CFA en 1996, 2.645,0 milliards francs CFA en 1998), le Gabon était de nouveau, dès la fin 2000, confronté à une récession économique (3.448,5 milliards francs CFA en 2001 contre 3.576,9 milliards francs en 2000). Cette récession de l'économie gabonaise a été amorcée sous l'impulsion de la chute de la production du pétrole (15,6 millions de tonnes en 1993, 18,1 millions de tonnes en 1995, 18,5 millions de tonnes en 1997, 15,6 millions de tonnes en 2000, 13,0 millions de tonnes en 2001) dont d'aucuns pensaient les ressources intarissables. D'ailleurs, si croissance économique il y'a eu avant 2000, cette dernière ne s'est pas accompagnée d'une création véritable de nouvelles activités tournées vers le commerce international. De même, en dépit de leur timide relance, les secteurs de l'agriculture et de l'industrie ont continué à être marginaux contraignant ainsi l'économie gabonaise à être une éternelle économie de rente pétrolière malgré pourtant la chute de la production pétrolière liée au vieillissement du champ Rabi-Kounga et à la non découverte de nouveaux champs d'envergure similaire.



                En matière de restauration de la rentabilité des entreprises, malgré la modification des prix relatifs en faveur des secteurs exposés, malgré la compétitivité-prix concédée à l'économie gabonaise par la dévaluation, les entreprises gabonaises ont continué à souffrir d'un manque de rentabilité commerciale, industrielle, économique et financière.  Dès lors, leur résultat net d'exercice a dû être quasi-structurellement négatif (-27,0 milliards francs CFA en 1992, +500 millions francs CFA en 1993, -45,0 milliards francs CFA en 1994, -2,3 milliards francs CFA en 1995, +100 millions francs CFA en 1996, -13,5 milliards francs CFA en 1997, -2,2 milliards francs CFA en 1998 et de -15,6 milliards francs CFA en 1999).  Du coup, elles étaient systématiquement privées des moyens de renouvellement ou d'extension de leurs capacités de production.



                En matière de création d'emplois et de promotion du bien-être des populations, avec le contexte de récession économique retrouvée dès 2000, de carence de dynamisme des entreprises et de manque de diversification de l'économie, le chômage du facteur travail gabonais ne pouvait pas ne pas s'inscrire en hausse. Ainsi, de 18% en 1993, le taux de chômage est passé à 20% de la population active en 2000 alors qu'il était encore quasiment nul au début de la décennie 1980.



                Et, avec la perte constante du pouvoir d'achat, la carence d'une véritable politique de protection sociale et de solidarité nationale, les conditions de vie des populations gabonaises se sont un plus détériorées. Ainsi, de la 109ème place sur l'échelle du développement humain du PNUD en 1994, le Gabon a été relégué à la 118ème place sur 175 en 2001. Avec pourtant, un revenu per capita de 5.990 USD très élevé et une population très faible, le Gabon se retrouvait honteusement derrière des pays très pauvres et plus peuplés comme la Jamaïque ou l'Albanie. Ainsi, en 2001, ces deux pays se retrouvaient respectivement aux 78ème et 95ème places sur l'échelle du développement humain avec des IDH respectifs de 0,757 et 0,735. Le Gabon se classait, quant à lui, à la 118ème place sur 175 avec un indice égal à 0,653.  Il a ainsi continué à se retrouver dans la catégorie des pays à développement humain moyen (46-139) nonobstant ses énormes ressources financières, naturelles et sa faible population (1,3 million d'habitants).



               Le calcul de l'IDH tenant compte de tous les aspects de la vie d'une société ou d'un individu (espérance de vie, santé et prévention, éducation et formation...), il s'est révélé que la durée de vie moyenne d'un gabonais n'était, en 2000, que de 53 ans. La mortalité infantile a continué à être élevée puisque sur 1000 naissances vivantes, 84 mouraient avant l'âge de 1 an en 2000. En matière d'éducation et de formation, si 71% des adultes étaient alphabétisés, environ 45% des gabonais n'atteignaient plus le cours moyen niveau 1 (CM1). En matière de logement, près de 75% de la population gabonaise vivaient toujours dans des logements indécents et ce, dans des quartiers insalubres et abandonnés à l'insécurité. Dans ce cadre, seulement 53% de la population utilisaient des installations sanitaires améliorées. Et, seulement 14% de cette dernière avaient un accès régulier à un point d'eau aménagé (pompe publique).



               De la sorte, plus de 60% de la population du Gabon vivaient en deçà du seuil de pauvreté en 2000.Pour cette frange de la population qui se ravitaille désormais dans des dépotoirs, les ordures constituent une véritable mine d'or. Sur le dépotoir de Mindoubé, dans la périphérie de Libreville, c'est toujours la grande chasse au trésor avant le passage des bulldozers. Rien n'arrête les fouineurs, pas même les flammes qui consument déjà une partie des immondices. Les produits récupérés (denrées alimentaires ou médicaments) sont remis en vente dans les rues et sur les marchés. Le phénomène n'est pas nouveau : cette décharge était déjà présentée, en 1994 (année de la dévaluation du franc CFA), comme "un véritable marché où tout le monde venait se servir gratuitement".  Huit ans après l'ajustement monétaire du franc CFA, la situation ne s'est guère améliorée au contraire, elle s'est même empirée. Ainsi, des médicaments et de la nourriture ramassés à la décharge se retrouvent désormais sur les marchés, exposés et vendus sur des étalages de fortune (les odeurs putrides de cette décharge ne suffisent plus à éloigner les gens). D'ailleurs, peu à peu, de petites maisons se sont construites tout autour avec leurs habitants s'approvisionnant sur le tas d'ordures.



                Il faut admettre que cette situation de paupérisation exponentielle des populations gabonaises est entretenue par les élites politiques, administratives et intellectuelles qui rivalisent dans l'irresponsabilité, la cleptomanie, l'incompétence et le satanisme. En effet, le Gabon se matérialise par une institutionnalisation de la dictature (monopolisation du pouvoir et des ressources, confiscation des libertés, intimidation et oppression des populations...), un clientélisme politique, administratif et intellectuel, une tribalisation de la société (favoritisme, népotisme, laxisme...), des détournements sauvages des deniers de l'Etat, une évasion féroce des capitaux vers l'étranger, une quasi-inexistence de l'Etat de droit, une injustice sociale criante... .



                Enfin, en matière de construction de l'intégration africaine, si au cours de la période 1994-98, le Gabon avait procédé à une certaine modification de ses courants d'imports au profit de l'Afrique (15,7% en 1998 contre 13,6% en 1993) en vue de réduire les coûts de ces derniers et de production, cela n'a plus été le cas sur la période 1998-2000 (6,3% en 2000 contre 15,7% en 1998). De même, au niveau des courants d'exports, s'il avait été observé une certaine modification de ces derniers en direction des autres pays africains (2,6% en 1998 contre 2,4% en 1993), la situation a été différente sur la période 1998-2000 (1,6% en 2000 contre 2,6% en 1998). Au cours de cette période 1998-01 et à l'instar de maints autres pays africains, le Gabon a recommencé à beaucoup plus commercer avec ses fournisseurs traditionnels hors-Afrique. La conséquence de cette expansion des flux d'échanges avec les fournisseurs traditionnels non africains fut rationnellement une régression du commerce intra-africain (8,4% en 2001 contre 9,7% en 1999) et un renforcement de la marginalisation de l'Afrique dans l'économie mondiale. La part de l'Afrique dans le commerce mondial de marchandises est ainsi passée de 3,1% en 1990 à 2,4% en 2001 en ce qui concerne les exportations et de 2,7% en 1990 à 2,2% en 2001 pour ce qui est des importations. 



                Il faut souligner que cet échec global de la dévaluation du franc CFA était prévisible au sens où le Gabon ne présentait pas originellement les conditions techniques de réussite d'une telle politique de change, au sens où la dévaluation n'est qu'un instrument d'ordre conjoncturel qui ne peut, malgré ses mesures accompagnatrices, résoudre les problèmes d'ordres structurel et multidimensionnel auxquels est véritablement confronté le Gabon. Ce dernier souffre d'un problème d'irresponsabilité, de kleptomanie et d'incompétence de la part de ses élites politiques, administratives et intellectuelles (trop corrompues). Ce riche petit riche souffre d'une très mauvaise gestion de ses ressources naturelles, financières et humaines de la part de l'autocrato-kleptocratie au pouvoir depuis 40 ans. Les phénotypes des maux dont il souffre sont la faible diversification et compétitivité de son économie, sa trop grande dépendance et vulnérabilité vis-à-vis de l'extérieur, la désarticulation de son économie, l'explosion de l'informel et du syndrome hollandais, la médiocrité de son capital humain, l'explosion de ses déficits jumeaux et de sa dette, l'expansion du chômage, de la pauvreté et de l'exclusion sociale... .  


               Aussi, face à ces problèmes d'ordres structurel et multidimensionnel que ni les PAS, ni la dévaluation du franc CFA n'ont pu résoudre, de véritables thérapies de choc politico-institutionnelles, économiques, financières et sociales s'avèrent plus que nécessaires pour remettre le Gabon sur le sentier du développement économique, social et culturel.<o:p> </o:p>         

     

                 Jacques Janvier Rop's Okoué Edou
    <o:p> </o:p>      Docteur en Economie et Finance Internationales
    <o:p> </o:p>

    votre commentaire

  • votre commentaire

  • votre commentaire

  • 1 commentaire